lundi 2 décembre 2013

Axe 1 : Cartographies féministes au XXIe siècle


Notre réflexion abordera le renouveau générationnel en examinant comment une nouvelle génération de féministes est en train de se consolider depuis la fin des années 1990. Il s’agira d’infirmer ou non l’affirmation d’une « rupture générationnelle » en examinant comment ces jeunes femmes sont arrivées au féminisme. Comment se situent-elles par rapport aux générations de féministes « historiques » ? Qu’en est-il de la transmission/filiation du féminisme ? Nous souhaitons partir de l’expérience individuelle des « jeunes féministes », examiner leurs cadres de références, leur identification ou « désidentification[1] » au féminisme de la deuxième vague en mettant en lumière leurs trajectoires et leur capacité à forger un « féminisme du XXIe siècle », à cheval entre la filiation avec les générations antérieures et la quête d’un renouvellement du féminisme, hétérogène, en constante dispersion, souvent empreint de contradictions mais qui a le mérite d’être porteur d’un nouveau souffle et de nouvelles problématiques (précarité, immigration, racisme, sexisme, prostitution, homophobie, transgenre, etc.).

Le travail lié aux questions des identités, et notamment des identités sexuelles, sera au cœur de nos réflexions. Il est avéré que l’un des apports majeurs de la troisième vague réside dans la « déconstruction de la catégorie "femme" comme référent unique et monolithique d’une supposée position féministe dominante »[2]. A mesure que les lesbiennes et les gays obtiennent une reconnaissance de plus en plus légitime aux yeux de la société hétérosexuelle, les différences au sein même de la « communauté » peuvent s’exprimer. A partir des années 1980-90, on assiste à une remise en cause des principes fondateurs du mouvement gay et lesbien ; la contestation s’articule autour de deux questions fondamentales : pourquoi la préférence sexuelle devrait-elle se concevoir sur le mode d’une opposition entre homosexuel et hétérosexuel ? Pourquoi la différence sexuelle biologique (mâle/femelle) serait-elle la clé de l’identité ? Les bisexuels s’inscrivent en faux contre ce qu’ils nomment « la normativité gay et lesbienne ». Les transgenres ouvrent la voie d’une nouvelle perception de l’identité ; perception qui se différencie à la fois de l’identité sexuelle biologique (mâle/femelle) et de l’identité liée à l’orientation sexuelle (hétéro ou homo). Les queers ajoutent à cette remise en cause de la binarité normative, la notion de fluidité. Pour reprendre la définition de David Halperin : « Queer is by definition whatever is at odds with the normal, the legitimate, the dominant. There is nothing in particular to which it necessarily refers. It is an identity without an essence »[3].

Nous chercherons donc à comprendre dans quelle mesure l’émergence de la théorie queer, sous l’impulsion de l’ouvrage pionnier de Judith Butler, Gender Trouble (1990)[4], a influencé les féminismes contemporains.




[1] Nengeh Mensah m., « Une troisième vague féministes au Québec ? », op. cit., p. 12.
[2] Ibid., p. 14
[3] Halperin D., Saint Foucault : Towards a Gay Hagiography, New York, Oxford University Press, 1995, p. 62.
[4] Butler J., Gender Trouble : Feminism and the Subversion of Identity, New York et Londres, Routledge, 1990.

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